samedi, janvier 28, 2006

Taipei Awards: Lee Ming-Hsueh. Switches

Lee Ming-Hsueh
et son installation Switches, en français :Interrupteurs.
Et pour cause, sitôt que l'on entre dans la pièce, que l'on referme la porte derrière soi comme nous y invite l'étiquette à l'entrée, on a tout le loisir de les admirer, les interrupteurs.
cinq rangées d'interrupteurs tous identiques, sur les trois murs qui nous entourent.
une seule ampoule au plafond, pourtant.
avancez...
attendez...


que va-t-il se passer?
d'un coup: les centaines d'interrupteurs se mettent à s'allumer et s'éteindre n'importe comment, tous seuls, à toute vitesse, crépitant bruyamment et provoquant des étincelles au plafond, l'ampoule répondant simultannément à toutes les injonctions des interrupteurs. (en fait il s'agit techniquement de deux dispositifs indépendants, mais le résultat donne l'impression d'un lien de cause à effet)
hors contrôle.
agressif.
l'impression d'être un cobaye, en train de subir un traitement par chocs physiques et psychologiques.
enfermé dans cette pièce étroite, mais pourquoi suis-je rentrée et quand est-ce que ça va s'arrêter, et pourquoi ils m'en veulent tous comme ça, ces interrupteurs?
STOP!
ça continue et c'est insupportable, et puis soudain, plus rien, lumière normale, comme quand on est entré dans la pièce quelques secondes auparavant.... silence, seulement le bruit de votre coeur qui galope encore comme un fou.

Violent et agressif, "une force un peu fasciste" comme le commente un membre du Jury.
Effectivement, le visiteur se sent pris au piège, impuissant, et même dangereusement menacé. Perte totale d'auto-détermination, entré là volontairement, mais une fois la porte refermée, il n'y a plus qu'à subir.
Pourtant, les interrupteurs, c'est plutôt le signe de notre toute puissance, habituellement. comme la télécommande, qu'il revient au "chef de famille" de détenir, comme un sceptre ou un bâton de commandement, permettant d'imposer le programme.
et d'imposer à distance en plus! comme les interrupteurs: s'il fallait encore allumer les bougies une à une, le sentiment de notre toute puissance se trouverait bien réduit...
reste que l'on maîtriserait toujours l'éclairage, la lumière. c'est une bonne base de confiance en soi, une bonne base de certitudes.
mais là. dans cette pièce étroite et basse de plafond. on ne maîtrise rien. on prend tout en pleine poire. ironie du déclenchement autonome des interrupteurs, et des flash de lumière que l'on veut fuire.
du pouvoir, en veux-tu en voilà, mais pas comme tu l'entendais!
subis.


Dans son texte (voir plus bas), l'artiste fait l'analogie entre l'homme contrôlant les interrupteurs et la normalité contrôlant nos vies.
c'est que le contrôle des interrupteurs, c'est quelquechose de sérieux! votre maman a bien du vous le faire comprendre un jour, à force de répéter "ça suffit! on ne joue pas avec les interrupteurs!"
Analogie homme-interrupteur: c'est vrai qu'on est bien destabilisé quand l'ordre habituel s'inverse. quand ce sont les interrupteurs qui s'auto-déterminent et nous imposent à leur rhytme le jour ou la nuit.
ce n'est pas normal que les interrupteur contrôlent l'homme. cela revient à dire: ce n'est pas normal que nos vies contrôlent la normalité, que nos comportements décident de la normalité.
et si l'on s'auto-déterminait d'avantage, quelle serait donc la normalité sociale?

Il pose aussi la question du sens de cette "normalité":
Tous ces basculements jour-nuit, jour-nuit, soudains, comme une révolte, quel en est le message? une invitation à la révolte? y a-t-il un message clair, uni, derrière la complexité et l'aspect disparate de l'énonciation? Y a-t-il derrière cela un message sensé, comme le codage d'un message par ordinateur, qui s'énoncerait en une suite incompréhensible de 0 et de 1 ?
Et en temps normal, quand la société nous dicte nos comportements, y a-t-il vraiment un sens derrière tout ça? ou n'est ce pas juste une cacophonie insensée, parfaitement aléatoire, toujours productrice de violence ?


le texte de Lee Ming-Hsueh; accompagnant l'expo:
"Switches are easily controlled by us during our daily life as of our life was controlled by standard behavior. Naturally, we accept the fact that switches can be controlled because we follow this standard. In exhibition the authorities of the switches that control the power were collapsed. Instead, switches make noise with their own tempo. They seem like to revolt and to make people uncomfortable and restless with anxiety. Switching on and off is just like computer language, zero and one, to communicate some kind of message. However, no one can easily understand the codes. It can also be said to like many message and information passing around the society, it seems easy but difficult to understand."