samedi, septembre 02, 2006


"
Il y a dans notre vie des matins privilégiés où l'avertissement nous parvient, où dès l'éveil résonne pour nous, à travers une flânerie désoeuvrée qui se prolonge, une note plus grave, comme on s'attarde, le coeur brouillé, à manier un à un les objets familiers de sa chambre à l'instant d'un grand départ. Quelque chose comme une alerte lointaine se glisse jusqu'à nous dans ce vide clair du matin plus rempli de présages que les songes; c'est peut-être le bruit d'un pas isolé sur le pavé des rues, ou le premier cri d'un oiseau parvenu faiblement à travers le dernier sommeil; mais ce bruit de pas éveille dans l'âme une résonance de cathédrale vide, ce cri passe comme sur les espaces du large, et l'oreille se tend dans le silence sur un vide en nous qui soudain n'a plus d'écho que la mer. "

Julien Gracq
Le rivage des Syrtes

jeudi, août 03, 2006

balade

Balade dans Taipei, quelques images...
la construction du métro qui dalle les avenues de plaques amovibles... les alignements de scooters, toujours, aux bords des rues étouffantes. un peu de fraicheur pourtant: jeux d'encre, de couleurs, de rouille, jeux de parapluies en ombrelles. les femmes taiwanaises n'affrontent la rue que protégées, à l'abri de ce puits éblouissant qui nous déverse son souffle comme de la poix...l'idéal évidemment étant une peau blanche, blanche, blanche, comme celle des stars de cinéma...






mardi, juillet 25, 2006

Back and Wide

Quel silence éblouissant, n'est-ce pas?
Mais ça y est ! des semaines de dur labeur ont enfin mis un terme à la période iconoclaste...
Bientôt des images de Taipei, donc !
Tout reste à faire. Du passé la table rase a brûlé, les cendres se sont bien dispersées aux quatre vents... mais c'est le coeur léger et l'appareil photo solidement vissé au poignet que je repars à la conquête des rues, des jours et des nuits, des déserts et des foules !

que cela vous serve à vous aussi de leçon: tous ces petits bijoux numériques qui nous ravissent sont mortels... sauvegardons leurs traces !
un disque dur est si vite abîmé, un appareil photo si vite envolé...

samedi, avril 15, 2006

L'écriture menacée


Actuellement, deux types d'écriture chinoise coexistent. Le système maintenant le plus répandu est le chinois simplifié, utilisé en Chine continentale, à l'exception d'Hong Kong et Macao, qui utilisent toujours l'écriture traditionnelle, comme ici à Taiwan.

Instaurée par Mao, l'écriture simplifiée, celle que l'on apprend dans la majeure partie des pays étrangers, celle que l'on apprend en France, a ceci de différent d'avec l'écriture traditionnelle qu'elle fait perdre aux caractères leur poids sémantique, leur distinction d'aïeux immortels, ayant traversé des milliers d'années pour venir jusqu'à nous...laissant leurs traces sur tous les documents écrits, supports de la mémoire et de la culture chinoise.
Destinée à simplifier l'apprentissage, l'écriture simplifiée ne simplifie en fait pas du tout les choses!

En chinois traditionnel, par exemple:
voyager
et
nager
se prononcent pareil , mais diffèrent légèrement par l'écriture.

Regardez-bien !!
....voyager s'écrit avec la marche , nager s'écrit avec l'eau.


S'il n'y a pas de distinction à l'oral, à l'écrit le sens jaillit de façon évidente. On nage dans l'eau, on voyage en mettant un pied devant l'autre... En chinois simplifié, il n'existe plus qu'un caractère.
()
Dissolution du sens, on perd beaucoup. On perd la justesse sémantique, et la beauté de l'agencement qui fait naître un caractère, tout un monde à lui tout seul!
Dommage.


Mais cela devient vraiment dramatique quand les Nations Unies veulent supprimer le chinois traditionnel et n'utiliser plus que le chinois simplifié.
Un choix qui serait vraiment absurde. Les langues évoluent toutes, mais doit-on volontairement faire perdre une partie de sa richesse à une écriture qui fonctionne très bien telle quelle, en amenuisant au passage le lien direct qu'elle permet d'avoir avec le passé ?

Et en plus, franchement :
J'ai commencé à apprendre en simplifié, maintenant j'apprends en traditionnel...objectivement, il est beaucoup plus facile de mémoriser les traditionnels, tout est beaucoup plus sensé.
Et en plus, les caractères sont nettement plus beaux !



Evidemment, la décision des Nations Unies de n'utiliser plus que le simplifié à partir de l'année prochaine ne va pas sans faire réagir, et heureusement !!!!
Pour plus d'info, et pour signer la pétition... c'est ici, maintenant.



Please, go!!!

et faites circuler: http://www.geopetition.com/region/237/8314/html


(calligraphie Zhao Mengfu, dynastie Yuan, XIV°s)

jeudi, mars 30, 2006

Parapluies! - 盧憲孚

Des installations rigolotes: parapluies assemblés en sphères, et en auvent suspendu, se balançant au gré du vent, dans le petit jardin de la Taipei Story House (près du Fine Arts Museum). Ou comment voir différemment les parapluies à 60nt du 7-Eleven !



L'artiste LU Hsian-Fu 盧憲孚a l'habitude de détourner de leur contexte les objets les plus quotidiens, pour élaborer des structures architecturales exposées en espaces publics, questionnant les rapports entre forme et signification. En entrant dans le jardin, on voit des sphères colorées avant de réaliser qu'il s'agit de parapluies.


De même, quand il utilise des chaises qu'il assemble pour former comme un tunnel, une allée bordée de haies concaves, l'usage habituel de l'objet disparaît, tandis que surgit une nouvelle structure hybride, d'une forme architecturale, plus ou moins reconnaissable, mais composée de matériaux incongrus.



Et sous l'auvent suspendu, l'espace pour se réfugier, réflexe qu'ont les visiteurs qui s'y font prendre en photo quasi systématiquement! clin d'oeil à la fonction première du parapluie, dont fait écho le caractère-même: 傘 on distingue nettement les 4 personnes (人) à l'abri...c'est vrai que c'est tout un symbole, le parapluie! Depuis la légende du serpent blanc (l'amoureux offrant un parapluie à la belle...), légende traditionnelle chinoise, ...jusqu'au ptit coin de paradis...

jeudi, mars 16, 2006

La memoire en satellites: les "Combine Paintings" de Rauschenberg


Factum II, 1957


Le Metropolitan Museum accueille actuellement une expositon consacrée aux « Combine paintings » de Rauschenberg.

Il y aurait de multiples façons de parler des « Combine Paintings ». Assemblages, collages, peintures, matériaux divers. Tissus, coupures de journaux, photos, morceaux de vêtements, morceaux de bois, métaux, oiseaux empaillés. Reliefs, superpositions, décalages, creux et revers de portes.

L’on pourrait envisager une approche purement formaliste de l’evolution des peintures mixtes, peintures combinées. « Combine paintings » Mais dès les premières œuvres de l’exposition l’on ne peut s’empêcher de scruter les moindres détails, d’aller et venir entre gros plan et grand angle. Chaque élément combiné a sa charge symbolique qui semble prendre le dessus sur la matière, les matériaux. Le genre d’exposition qui vous fait rentrer dans l’intimité de l’artiste sans ne rien en dire.

Les cartels et les indications réfèrent principalement aux faits : contexte et matériaux. Il suffit ensuite de s’approcher de chaque œuvre et elles vous parleront, lentement, doucement, par quelques mots, reliefs, images et dessins. Chaque visiteur s’en ira visiter la mémoire des œuvres et de son auteur au hasard de son regard.

Mes yeux se posent sur une photo en noir et blanc. Un coureur dans un stade. Il est entouré d’un cercle au pastel bleu. La photo est collée sur la toile peinte. Quelques coulures autour. Une ligne médiane attire ensuite mon regard. De multiples bandelettes de toutes les couleurs sont juxtaposées. Puis une photo de famille, des chevaux. Une carte des Etats Unis. Des carrés de tissus collés sur la toile et repeints délimitent des espaces sur l’œuvre. Des espaces de mémoire que les coulures de peinture relient au hasard de la pesanteur.

Les images sont en noir et blanc mais l’ensemble est coloré.

Un peu comme des images de rêve ou de mémoire finalement. Arrive-t-on toujours à redonner ses couleurs à la réalité ? Les bandelettes colorées semblent nous inciter à donner du vif aux images, à choisir, reconstruire une image réelle par des notes de rouge, d’ocre, de bleu ou de vert. Impressions colorées.

Et puis un peu plus en bas, un peu plus dans l’angle, un diagramme. Comme des satellites. La mémoire visuelle, la mémoire olfactive, la mémoire auditive, la mémoire tactile. Voir, parler, écrire, dessiner, sentir, toucher.

La mémoire en satellites.

L’on retrouve ici en grande partie de ce qui définit les « Combine Paintings » de Rauschenberg. L’objet, le mot, l’image. Il manque le bruit et l’odeur ? Pas vraiment.

Rauschenberg utilisa aussi assez fréquemment des animaux empaillés dans ses Combine. Non pas que les animaux dégagent encore une odeur, non, mais simplement l’idée de l’odeur. Un aigle, un bouc, une poule. La référence est brute et l’odeur bien présente à l’esprit.

Le son ? C’est à partir de 1961 que Rauschenberg commence sa série des « Time Paintings ». La First Time Painting fut réalisée lors d’une performance, hommage à David Tudor, à l’Ambassade des Etats Unis à Paris. Rauschenberg installa la toile dos au public afin que celui ci ne puisse en voir l’élaboration. Cependant, un micro était attaché à la toile. L’audience pouvait écouter la peinture en train de se faire. Le son de la peinture. Nous sommes proches du travail de John Cage, ami et compagnon d’expérimentation de Rauschenberg au Black Mountain College. Les sons au hasard, les sons du hasard et du commun. Petite musique de peinture. A chacun de voir ses propres images associées aux sons. Peinture, sons et mémoire.

L’on sort de l’exposition en se demandant si c’est la mémoire du peintre que nous avons scrutée, observée, analysée ou notre propre mémoire. Les images de l’artiste, les couleurs, les matières et les signes sont comme les sons de John Cage. Quelques notes en nébuleuse qui chatouillent nos neurones et remuent nos propres souvenirs.
La mémoire en satellites.

jeudi, mars 09, 2006

Taipei Awards: fin.


Taipei Arts Awards c'est fini....
une petite photo de Picsound le dernier jour.
pour donner une idée du résultat, bien loin de la blancheur immaculée de la partition originelle...

A retenir aussi de cette expo, l'installation de HUANG Hsin-Chien..
Aussi présentée au musée de l'Université de Guandu, en banlieue de Taipei, et temporairement à Taichung, a l'expo consacrée à l'art numérique "Beyond Vision" (bientôt à Kaohsiung)

Un chaise, l'ombre au mur du spectateur qui s'assoit. L'ombre reproduite sur le petit écran de la télé; et en direct et en mouvement sur le grand écran face à la chaise: votre corps recomposé en un bâtiment à la forme étrange, morcellé, grisâtre et grinçant.